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mère ramenant de la maison de prière à la maison de tendresse cette chaîne d’enfants aimés, aimants, heureux et beaux ; de ces amis, de ces parents, de ces voisins, de ces artisans, de ces serviteurs s’associant des yeux, du sourire et du cœur à cette magnificence de nature, dans une famille aimée de tous, me fit une forte impression, qui ne s’effaça plus. Je comparai, sans m’en rendre compte, cette innocence, cette pureté, cette sérénité, de cette mère et de ses filles, cette majesté du père, cette sécurité de la conscience, du devoir et du bonheur, dans ce cercle d’affections vivantes, ainsi resserré autour de la maison de notre berceau, avec les évaporations, les délires, les plénitudes et les vides désespérés du cœur que je venais d’éprouver tour à tour dans mes premières excursions à travers la vie. Je ne pus m’empêcher de reconnaître en moi-même que si Dieu a mis le délire dans les songes, il a mis le bonheur et la paix de l’âme dans les réalités. Une famille vertueuse et tendre est la racine de l’arbre de vie. Quand la branche se détache du tronc, le vent l’emporte aux tourbillons et aux précipices des passions.


XV


Mais, bien que je sentisse en rentrant sous le vestibule paisible et sombre de la maison de mon père ce que l’on sent quand on entre dans un sanctuaire dont la porte qui nous sépare de la foule se referme sur vous, cependant, tout brisé que j’étais par ma tristesse, j’étais trop jeune et trop tumultueux encore pour ne pas me lasser bientôt de cet asile trop étroit pour mes ailes, et