Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/447

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pièces ouvraient sur un jardin encaissé, comme à Naples ou à Séville, dans de hautes murailles sur lesquelles des peintres italiens avaient colorié des perspectives. Au premier étage, un salon plus modeste et plus constamment habité, et les appartements des principaux membres de la famille. Au second, des chambres presque nues, destinées aux vieilles parentes religieuses, aux anciens serviteurs retirés, mais encore hébergés dans l’hôtel, aux amis et aux hôtes étrangers qui venaient de temps en temps visiter mon oncle ou mes tantes. Telle était cette maison, telle elle est à peu près encore maintenant que les décès et les héritages successifs l’ont passée de main en main jusque dans les miennes.

Du côté de la rue elle était séparée des remises et des écuries par une petite place solitaire occupée par un puits banal, dont on entendait à toute heure grincer la chaîne. Des fenêtres du premier étage, on voyait à cent pas seulement les cimes encore basses des quinconces de tilleuls plantés sur une large place empruntée aux anciens remparts de Mâcon. Au delà, la façade noble mais austère d’un vaste hôpital, construit sur les dessins de l’architecte du Panthéon ; des malades et des convalescents prenant l’air et se réchauffant au soleil sur une pelouse verte devant la porte de l’hôpital ; quelques vieillards et quelques enfants se promenant ou jouant sur le sable nu de la place d’Armes ; derrière, les plantes verdoyantes de quelques petits coteaux entrecoupés de jardins et murés de buissons : voila l’horizon des fenêtres. Il était propre à faire tarir toute imagination, et à refouler toutes les perspectives riantes et grandioses dont elle se nourrit par les yeux. C’était une demeure de gentilhomme espagnol dans quelque petite ville de Castille, moins la solennité artistique et mona-