Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui destinait. Il se serait certainement fait un nom à l’Assemblée constituante, sinon comme orateur, parce que la voix et le feu de l’enthousiasme lui manquaient, au moins comme organisateur et réformateur, parmi les Thouret, les Chapelier, les hommes de rédaction, de méditation et d’action. Son esprit, qui ne brûlait pas, éclairait toujours très-haut et très-loin. Il ne pouvait pas siéger dans une assemblée sans être aperçu.


XX


Bien que sa nature fût froide et austère à l’intérieur, il avait eu un long et durable attachement. La volonté de mon grand-père et de ma grand-mère l’avait empêché d’épouser l’objet de son attachement. Il s’était refusé à en épouser une autre, et c’est ainsi qu’il était arrivé, quoique riche et favori d’une famille éteinte, jusqu’à quarante ans sans se marier. A cet âge, et déjà valétudinaire, il avait regardé en avant et en arrière, et il avait trouve le chemin trop court pour s’y engager avec le long cortège d’une femme et d’une postérité à conduire au terme de la vie. Il s’était décidé à laisser le soin du ménage à ses deux sœurs, presque aussi âgées que lui, et à se livrer en paix à ses goûts pour l'indépendance, le loisir et l’étude.

L’objet de son amour, que je rencontrai encore souvent dans le salon de famille, était une de nos parentes, sœur de ce fameux marquis de Saint-Huruge, célèbre par sa turbulence démagogique dans les premières scènes de la révolution, un des ouragans de Mirabeau, qu’on déchaînait, comme Camille Desmoulins, Danton et San-