Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/459

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des remontrances et des reproches qui retombaient sur notre pauvre mère, pour chaque faute légère de ses enfants. Mes tantes étaient bonnes, mais elles étaient oisives, et par conséquent un peu minutieuses. Elles aimaient ma mère, elles la vénéraient même ; elles nous regardaient comme leurs propres enfants ; mais elles voulaient avoir les droits sans les charges de la maternité. J’allais oublier de faire leurs portraits, qui manqueraient dans ma vieillesse à ce tableau de famille. Reprenons.

L’aînée de ces tantes s’appelait mademoiselle de Lamartine. C’était une nature angélique plus que féminine. Elle avait été la favorite de sa mère, la reine de la maison sous ma grand-mère, qui ne s’amollissait que pour elle, la tutrice de ses sœurs plus jeunes, la médiatrice de ses frères ; tout le monde l’adorait. Quoique très-jeune jusqu’à vingt-huit ou trente ans, et très-recherchée à cause de sa figure, de son caractère et de sa fortune, elle n’avait pas voulu se marier pour rester attachée à sa mère jusqu’au tombeau. Elle l’avait suivie et servie dans la captivité. Après la mort de sa mère, il était trop tard, elle avait vieilli ; la révolution avait proscrit le seul homme qu’elle eût jamais aimé d’une inclination aussi pure que son âme. Elle s’était attachée à son frère aîné ; elle lui avait remis l’administration de ses biens, confondus avec les siens ; elle tenait sa maison. gouvernait comme autrefois ses domestiques, présidait à ses bonnes œuvres, et employait tout le temps et toute l’indépendance de sa vie à des pratiques de dévotion ; dévotion douce, mais exaltée et sensible, presque comme celle de sainte Thérèse. Elle était frêle, pâle, languissante ; deux beaux yeux et un charmant sourire pétrifié sur ses lèvres rappelaient sa première beauté ; sa voix était faible, langoureuse, et avait des sons imprégnés