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d’amour divin. On voyait constamment sur son visage le voile transparent du recueillement mystique et de la méditation des choses saintes, d’où elle sortait seulement par condescendance pour son frère. Elle passait la moitié du jour au moins dans les églises, au pied des autels ; la lueur pale et jaunissante des cierges semblait incrustée sur son front. C’était la figure de la contemplation chrétienne.

L’autre, qui s’appelait, comme je l’ai dit, madame du Villars, était d’un caractère plus viril qu’un homme, et plus énergique qu’un héros, mais aussi plus actif, plus dominateur et plus impétueux qu’une bourrasque ; d’un fond généreux, franc, buvant l’oubli après les orages comme le sable boit l’eau, et prête tous les jours à réparer, par des prodigalités de bienfaits et par des dévouements de famille sans mesure, les torts ou plutôt les vivacités d’humeur qu’elle n’avait pu contenir ; aimée de loin, parce qu’on ne sentait ses boutades qu’à travers ses qualités solides ; redoutée de près, parce que ses petits défauts en saillie se faisaient trop sentir au contact de tous les jours. Il en était d’eux comme de ces peaux rudes qui recouvrent de belles formes ; les femmes qui en sont revêtues ne sont belles qu’a distance.

Elle avait été moins agréable que sa sœur dans sa jeunesse, mais plus vive ; plus spirituelle et plus instruite. Elle avait dans la génération précédente une renommée de distinction et d’esprit qu’elle maintenait avec une coquetterie d’engouement qui plaisait encore. C’était elle surtout qui tenait le salon commun et qui se chargeait de faire aller la conversation et de la relever quand elle languissait, comme ces personnages de théâtre qui font la question nécessaire, ou qui donnent la réplique pour faire parler et agir la pièce.