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CICÉRON.

fiaient d’avoir désormais avec eux la gloire de Bome. Caton seul, qui se croyait une vertu trop rigide pour avoir le droit de se plier aux circonstances et aux transactions, mais qui n’exigeait pas cette rigidité des autres, le blâma amicalement du parti irréconciliable qu’il prenait vis-à-vis de César. « Peut-être, lui dit-il en confidence, auriez-vous été plus utile à Rome en gardant la neutralité que vous demandait César, et en vous réservant pour servir dans l’occasion le parti de la république, au lieu de venir partager ici d’inutiles périls ? » Pompée le caressa et le négligea comme un homme qui ne s’était pas déclaré à la première heure, qui avait blâmé la retraite en Épire, qui avait conféré avec César, qui apportait des conseils de paix dans la guerre, et qui était trop grand dans la république pour être inférieur dans son camp. Cicéron se relégua lui-même à Dyrrachium avec Caton, malade de chagrin des lenteurs et des froideurs de Pompée.

Peu de temps après son arrivée en Épire, César, ayant triomphé en Espagne et traversé rapidement l’Italie en entraînant avec lui toutes les légions trouvées sous sa main, traversa la mer et vint attaquer l’armée de Pompée avec des forces inférieures, mais avec cette promptitude qui est le génie du succès dans les révolutions. Les deux armées se rencontrèrent dans la plaine de Pharsale, bassin de la Thessalie. Les armes étaient égales par le nombre et par la valeur, les chefs égaux par la renommée et par le génie ; mais Pompée commandait à des citoyens déjà ébranlés par la faute qu’il avait commise de les dépayser, comme des vaincus avant la bataille ; César, à des troupes aguerries et déjà victorieuses par l’audace qu’il avait eue de les conduire, comme des vainqueurs, moins à la victoire qu’à la poursuite de leurs ennemis. Les lois, les consuls, le sénat, les magistrats, les pontifes, les chevaliers romains, les patriciens, la meilleure partie du peuple lui-même, la