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CICÉRON.

tait silencieux et consterné à la ruine de la république.

Un grand poëte qui fut en même temps un grand politique, mais qui, malheureusement pour sa mémoire, poussa l’amour de la liberté jusqu’au fanatisme, et le républicanisme jusqu’au régicide, Milton, a écrit quelque part ces lignes :

« Si Dieu versa jamais un amour ferme de la beauté morale dans le sein d’un homme, il l’a versé dans le mien. Quelque part que je rencontre un homme méprisant la fausse estime du vulgaire, osant aspirer par ses sentiments, son langage, sa conduite, à ce que la haute sagesse des âges nous a enseigné de plus excellent, je m’unis à cet homme par une sorte de nécessaire attrait. Il n’y a point de puissance dans le ciel et sur la terre qui puisse m’empêcher de contempler avec respect et avec tendresse ceux qui ont atteint le sommet de la dignité du caractère, de l’intelligence et de la vertu ! »

Cet amour satisfait de la beauté morale dans un homme historique, ce respect et cette tendresse pour ceux qui ont atteint le sommet de la dignité du caractère et de la vertu, nous ont soutenu jusqu’ici dans le récit de la vie de Cicéron ; ils vont se voiler un instant et se contrister un peu quand nous allons retracer, non ses crimes (il n’y en a pas dans sa vie), mais quelques inégalités et quelques faiblesses. Après la chute de la république, il est moins constamment admirable ; mais, pour l’homme qui aime à contempler dans l’homme la lutte des faiblesses humaines contre les vertus, et le triomphe alternatif des devoirs ou des passions dans notre âme, il devient peut-être plus intéressant. Les caractères d’une seule pièce, comme celui de Caton, ont quelque chose de surhumain et d’uniforme qui élève plus et qui touche moins que les caractères moins maîtres d’eux-mêmes qui fléchissent et qui se relèvent, comme celui de Cicéron. Il en est de l’homme comme des paysages : les lignes droites de l’horizon sont sans doute les