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CICÉRON.

plus pures en géométrie et en logique, mais les lignes de l’horizon qui montent et qui descendent, qui se lèvent et qui se dépriment toura tour, pour se relever encore et pour porter le regard jusqu’aux cieux après l’avoir incliné jusqu’aux abîmes, sont l’intérêt et le charme des yeux du peintre et du spectateur. La nature a fait l’homme un être ondoyant et divers, disent les philosophes ; considéré ainsi, sans doute il nous impose moins, mais il nous attache d’autant plus qu’il est plus homme.

Cicéron le fut tout entier après la mort de Pompée. La république, morte avec ce grand et dernier citoyen, devint la proie à peine disputée de César. Le droit avait succombé à Pharsale, la force était tout ; César avait la force, et il l’empruntait comme un grand corrupteur de sa patrie, non aux vertus du petit nombre, mais à tous les vices d’une multitude qui demande un maître, parce qu’elle se sent digne de la tyrannie.

Avec cette promptitude qui surprend le destin et qui le fixe, César avait volé, après sa victoire, en Espagne, en Afrique, en Égypte, pour y porter des coups soudains et inattendus aux lieutenants et au fils de Pompée, pour leur enlever leurs légions, et pour y saisir, par tous les membres épars de la puissance romaine, cette liberté qu’il voulait détruire et cet empire qu’il voulait fonder.

Cicéron, au lieu de suivre l’exemple de Caton, de protester contre la victoire et de mourir du même coup dont mourait la liberté de son pays, parut se repentir, non pas tant de la défaite du grand Pompée et de la république, que d’avoir embrassé tardivement et imprudemment la cause vaincue par les dieux. Il commença à s’accommoder avec la tyrannie, et à demander en quelque sorte grâce pour sa vertu au vainqueur. Bien ne lui était plus facile que de l’obtenir. César avait les crimes grands et doux comme son génie. Il était trop supérieur pour être vindicatif ; il était en