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CICÉRON.

sur ses pas, comme au premier retour de son exil. Rome semblait veuve de son génie quand il s’éloignait d’elle. Il revint à Tusculum, n’osant pas entrer encore dans Rome tant qu’Antoine y dominait.

Mais déjà le crédit d’Antoine baissait dans le peuple, dans le sénat et dans l’armée. Une autre popularité plus ferme et plus prestigieuse pour les Romains s’élevait sur sa ruine : c’était celle du jeune César-Octave, fils d’une nièce du grand César, et que le dictateur avait déclaré son héritier dans son testament. Cet adolescent, absent de Rome avec sa mère au moment de la mort de César, était revenu d’abord timidement demander à Antoine l’héritage de son oncle. Antoine l’avait méprisé et menacé. Sa jeunesse, son nom, son titre d’héritier et de fils adoptif de César, les larmes de sa mère, l’injustice d’Antoine, avaient intéressé les Romains. Le mépris pour Antoine, l’espérance qui s’attache tache à l’enfance, les largesses du testament de César aux soldats, que son héritier promettait d’accomplir, avaient fait le reste. Octave, accompagné de sa mère, se montrant à Rome, parcourant les provinces, implorant le peuple, invoquant les vétérans, flattant les républicains de leur rendre la liberté antique et de les délivrer de l’ignoble soldatesque d’Antoine, était devenu en peu de temps pour les uns le vengeur futur de César, pour les autres le restaurateur inespéré de la république. Il affectait de voir la patrie tout entière dans le seul Cicéron. Il prenait de Cicéron ses oracles ; il entretenait une correspondance avec lui ; il venait lui rendre visite dans sa retraite ; il le traitait en fils qui s’inspire de la sagesse d’un père ; il lui jurait de n’employer la puissance que son héritage, son nom, son parti, la faveur des Romains lui donneraient, qu’à rétablir, sous le patronage de Cicéron, l’autorité du sénat, l’empire des lois, l’exercice de la liberté antique.

Cicéron, lors même qu’il ne l’aurait pas cru, était obligé