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CÉSAR.

Dans ses voyages, il faisait porter avec ses bagages des parquets mobiles en bois odorant et des pavés de mosaïque pour ne fouler aux pieds que des merveilles d’art. Il n’épargnait rien pour corrompre a prix d’or les femmes que sa beauté et sa célébrité ne suffisaient pas à séduire. Avant l’âge de vingt-deux ans, il avait déjà enlevé à leurs maris Posthumia, femme de Servius Sulpicius, Lollia, femme de Gabinus, Tertulia, femme de Crassus, Mucia, femme du grand Pompée, Servilie, enfin, mère de Brutus, la plus chère de ses conquêtes. Il lui donna une perle du prix de plusieurs millions de sesterces. »

Il tirait gloire de ses séductions, et, avant d’aspirer à d’autres célébrités, il aspirait à la célébrité de ses désordres ; plus la famille qu’il déshonorait était illustre ou patricienne, plus il en recueillait d’honneur. De tous les excès, il ne s’abstenait que de celui du vin, parce que le vin trouble l’intelligence, et qu’il voulait se posséder lui-même pour posséder les autres. Caton, qui affichait dans la vertu l’excès que César affectait dans les scandales, lui rendait ironiquement cette justice : « De tous ceux, disait Caton, qui ont entrepris de ruiner la république, ce jeune homme est le seul qui ait été sobre. » Tibérius Gracchus s’était souvent montré ivre à la tribune, et Marius était un ivrogne de caserne.

À un tel prodigue il fallait un jour l’empire à dépenser. Aussi les historiens s’accordent à dire qu’il était aussi avide que généreux, et qu’il apportait aussi peu de probité à vendre qu’à acheter les honneurs et les provinces de la république.

Mais ses dissipations, dit Suétone, ne l’empêchaient pas de cultiver assidûment tous les talents par lesquels on s’élevait aux honneurs publics dans Rome, et les talents plus hauts encore par lesquels on s’élève aux honneurs de la postérité. Toute gloire lui était bonne, et il était capable