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CÉSAR.

de cette jeunesse ; il donnait le ton, à Rome, du goût et des vices ; on le citait comme l’homme qui savait le mieux donner à toutes les licences la grâce de la légèreté et les élégances de l’aristocratie.

Il continuait cependant à caresser sous main le parti populaire, mais il le caressait par ses plus mauvais instincts, et, au lieu de le prendre par l’hypocrisie de la vertu, il le flattait par l’imitation de ses débordements. Il n’y avait pas un débauché, un impie, un citoyen perdu de mœurs, pas un débiteur perdu de dettes, pas un de ces désespérés de fortune et de réputation qui ne peuvent se relever que dans l’écroulement de toute chose, dont César ne fût secrètement l’espoir ou l’ami. Il avait la clientèle de tous les vices. Dans un temps de corruption, c’était une force : il semblait vouloir donner lui-même à ces ennemis irréconciliables de l’ordre le gage d’une ruine commune en se ruinant comme eux et en ne se gardant pour fortune que le bouleversement de son pays. Ses dettes, provenant presque toutes de libéralités faites aux meneurs des brigues populaires, s’élevaient déjà à huit millions de notre monnaie, somme qui représentait alors au moins quarante millions.

Suétone, son historien domestique, le représente il cette époque de sa vie comme l’Alcibiade romain, mais comme un Alcibiade qui n’avait point de Socrate.

« Son costume, dit-il, était efféminé ; les franges qui bordaient son laticlave (vêtement de dessus) descendaient jusque sur ses mains. C’était toujours sur cette robe qu’il nouait sa ceinture mal attachée. Il aimait avec passion le luxe et la magnificence. Il avait fait construire dans le site délicieux de Laricia, près d’Albano, une maison de campagne dont la construction et les décorations lui avaient coûté des sommes énormes ; il la fit démolir, avant de l’habiter, pour de légères imperfections de convenance.