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CÉSAR.

qu’il ne s’agit pas de l’empire, il convient de s’astreindre au devoir et à la vertu, mais qu’il faut s’en affranchir quand le prix du crime en vaut la peine. En religion, il professait ouvertement l’athéisme et l’égalité après la mort entre le bien ou le mal accompli par les mortels. « La mort n’est qu’un sommeil éternel, osa-t-il dire au sénat dans sa harangue pour les complices de Catilina ; elle est la fin de tout ; au delà du tombeau, il n’y a plus ni félicité ni supplice !

» — On sait, en effet, lui répondit Caton, que vous regardez comme des fables ce qu’on raconte du ciel et des enfers, sur le sort différent qui attend les justes ou les méchants après le trépas, sur les séjours sombres, formidables, pleins d’horreur, où les criminels vont expier leurs forfaits. »

César ne démentit par aucun signe et par aucune parole l’opinion que Caton avait de son athéisme. La foi qui exempte des scrupules et des remords était celle qui convenait à son ambition.

Les hautes magistratures du culte étaient si exclusivement civiles à Rome, que César, malgré son impiété avérée et sa jeunesse, osa briguer les suffrages pour le souverain pontificat, charge honorifique qui conduisait aux premiers pouvoirs, et dont quelques-uns de ses ancêtres avaient été revêtus. Il se croyait sur de l’emporter sur ses concurrents, lorsque Sylla s’indigna de l’audace de ce neveu de Marius et déjoua brutalement sa candidature.

César, convaincu qu’il n’y avait plus pour lui, tant que Sylla vivrait, ni honneur ni sûreté dans Rome, partit pour l’Asie Mineure, afin de s’initier dans la guerre sous le général romain qui combattait contre Mithridate, cet Annibal asiatique. La galère qui le portait en Asie fut prise, non loin de la côte de Milet, pari des pirates de Cilicie qui écumaient à cette époque la mer de l’Archipel et qui rançon-