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CÉSAR.

naient leurs captifs. Les pirates, après avoir conduit le jeune patricien dans une de ces anses écartées de la côte de Cilicie qui servent encore aujourd’hui de repaire à ces brigands maritimes, permirent à sa galère de voguer vers Milet pour rapporter la rançon de leur prisonnier.

La liberté d’esprit, la grâce et même l’insolence avec lesquelles César affronta ses geôliers, charmèrent ces aventuriers. Plus flattés qu’offenses de tant d’audace, ils le traitèrent en hôte illustre et non en captif, supportant tout de lui, même les menaces enjouées de les faire mettre en croix lorsqu’il leur aurait payé sa rançon et qu’il les rencontrerait plus faibles que lui dans leurs courses ; les pirates pardonnaient tout à sa gaieté, à sa confiance et à sa jeunesse.

La galère de César revint de Milet après quarante jours, apporta les cinquante talents que César avait fixés lui-même, au lieu de vingt demandés par les pirates, somme selon lui trop inférieure à l’appréciation qu’ils faisaient de son nom. Mais, a peine débarqué en Bithynie, il arma à Mélos une escadre à ses frais contre les pirates, les surprit encore dans la rade où il les avait laissés, reprit sur eux les sommes payées pour sa rançon, et, les ayant conduits enchaînés à Pergam, les fit supplicier, comme il le leur avait promis, par l’autorité de Nicomède, roi de Bithynie, prince allié et vassal des Romains.

Son séjour à la cour du roi Nicomède et les complaisances qu’on l’accusa d’avoir eues pour ce jeune roi asiatique, engoué de sa beauté, ternirent à jamais sa réputation. Les soupçons de ce commerce infâme entre le jeune Romain et le jeune roi de Pergame se retrouvèrent jusque dans les sarcasmes de Cicéron plaidant contre César au sénat, et jusque dans les chansons de ses soldats suivant son char de triomphe. Le nom de reine de Bithynie devint longtemps l’infâme surnom du favori de Nicomède. César, il faut le