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CÉSAR.

La vertu politique est comme l’or : il faut, pour rendre ce métal ductile et pour le convertir en monnaie à l’usage du commerce humain, l’amollir par un peu d’alliage. Caton frappait sa monnaie de maximes à son seul coin, il s’inquiétait peu qu’on la reçût ou qu’on la refusât dans Rome, il n’y admettait aucune composition, et il déclarait corrompu ou criminel quiconque ne s’accommodait pas de sa rigidité ; parlant bien, du reste, mais parlant en vain ; conseillant toujours, mais conseillant l’impossible ; estimé de tous, mais d’une estime stérile ; inflexible et presque féroce d’austérité ; un de ces hommes que la postérité place dans ses musées, mais que les nations n’admettent que pour l’exemple dans leurs conseils ; le plus irréprochable, mais le plus inutile des hommes vertueux !

Caton aussi penchait vers Pompée, parce que Pompée était honnête et prétendait relever l’antique majesté du sénat, que les novateurs s’efforçaient d’abaisser jusqu’au peuple.

Un nombre considérable d’hommes secondaires, depuis l’orateur Hortensius jusqu’aux agitateurs comme Clodius, et jusqu’aux démagogues comme Céthégus et Gatilina, se partageaient dans Rome le crédit sur le sénat, sur le peuple et sur la plèbe, derrière Pompée, Caton et Cicéron.

César arriva à l’heure la plus propice à un ambitieux, quand tout est indécision dans les événements, mêlée dans les partis, cabale dans les hommes. D’un regard d’aigle il perça au fond de cette anarchie et aperçut le joyau : le souverain pouvoir, tombé dans la lie du peuple, à prendre par le plus habile, le plus patient et le moins scrupuleux. On a vu que son habileté était instinctive, que sa jeunesse lui promettait le temps, que sa vertu ne l’entravait pas quand il s’agissait de l’empire, et que son athéisme l’affranchissait de tout scrupule.

Il affecta les mêmes vices aimables qui lui avaient valu