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CÉSAR.

l’avaient amélioré ; il voulait se maintenir par ses mœurs et par ses actes à la hauteur idéale de ses modèles dans l’antiquité ; il pensait, il parlait, il agissait devant les dieux et devant la postérité. Sa gloire même aurait suffi pour le rendre probe, car il ne voulait pas paraître devant l’avenir avec la moindre tache sur son grand nom : il se croyait responsable devant les siècles. Sa religion, bien qu’il eût dépouillé, comme tous les Romains éclairés de son temps, les grossières superstitions de l’Olympe, gouvernait sa vie. Elle consistait dans cette foi innée, supérieure à tous les dogmes locaux, dans une Divinité aussi providentielle qu’évident et juste de laquelle tout émane et dans le sein de laquelle tout rentre après des épreuves mystérieuses pour expier ou pour être rémunéré selon la vie. Le Dieu de Socrate et de Platon était le Dieu de Cicéron ; il conformait son âme à ce divin type.

Bien ne manquait donc à cet orateur accompli que le muscle qui tient debout la statue vivante de l’homme. Il était sujet a des prostrations involontaires de courage. Il lui fallait un point d’appui en dehors de lui : admirable pour être le second dans l’univers romain, incapable d’être le premier.

Ce sentiment qu’il avait de lui-même lui avait fait chercher son appui dans Pompée, que Cicéron dominait de toute la tête, mais que Pompée dominait de toute sa fortune. Il était sa parole dans le sénat.

Caton était le troisième de ces hommes principaux sur lesquels Rome portait les yeux dans ses angoisses civiles. Mais Caton avait l’excès du caractère dont Cicéron avait les défaillances : c’était un despote de principe, un tyran de vertu, un de ces hommes qui ne pardonnent rien au temps, rien aux circonstances, rien à la faiblesse humaine, et qui rendent la vertu impraticable au peuple à force de la lui hérisser de préceptes.