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CÉSAR.

indulgents pour de pareils forfaits ! L’aspect de Rome, tel que le dépeint Salluste sous l’impression de cette panique, est entièrement changé : une tristesse morne remplace tout à coup la sécurité et la joie licencieuse dont une longue paix avait donné l’habitude à cette capitale ; on ne voit que des citoyens effarés courir et frissonner dans les rues ; on n’ose se confier a personne, ni s’arrêter nulle part ; sans être en guerre, on n’est plus en paix ; chacun mesure à l’excès de sa peur l’excès des périls imaginaires dont on se sent entouré ; les femmes surtout, que la grandeur et la solidité de la république avaient accoutumées à se reposer sur l’État, sont consternées, elles lèvent les mains vers le ciel, s’attendrissent sur le sort de leurs petits enfants, s’abordent, se communiquent leur effroi, et, oubliant leur orgueil et leur luxe de la veille, désespèrent de la patrie.

On comprend que l’homme dont le nom résumait pour la capitale toutes ces terreurs n’avait déjà plus de complices pour l’avouer ni d’avenir pour le défendre. L’impartialité même aurait paru une connivence, et les plus incrédules étaient obligés de feindre la conviction. Nous avons été témoins nous-mêmes, pendant nos transes civiles, d’accusations aussi légères et de jugements aussi anticipés. La panique une raisonne pas, elle fuit où elle frappe ; malheur à qui se trouve sous sa main ! Ce fut évidemment le malheur de Catilina. Il n’avait fait jusqu’à ce jour que ce qu’avait fait César ; il avait fomenté les éléments d’opposition qui existaient dans la ville et dans les colonies romaines de l’Italie contre le sénat et les patriciens ; réclamé les droits de citoyen romain pour les colons, la distribution des terres stériles de l’État aux vétérans et aux prolétaires, l’abolition d’une partie usuraire des dettes en faveur des débiteurs écrasés par les extorsions des créanciers.

On conçoit avec quelle fureur les patriciens, le sénat, les exploiteurs abusifs des terres à répartir, et les créan-