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CÉSAR.

trier, cet incendiaire, s’en aller tranquillement dans sa maison, anéantir, si cela lui convenait, les preuves de ses crimes, rassembler ses complices, se concerter avec ses amis, et achever l’accomplissement de ses desseins envenimés par le désespoir et la vengeance. Une telle histoire est plus semblable à un rêve qu’a un coup d’État. C’est pourtant là l’histoire sans critique, ou plutôt la réticence convenue, de la conjuration de Catilina.

Le grand coupable à qui on laissait tant de moyens et tant de motifs de précipiter l’accomplissement de ses fureurs passe paisiblement la soirée dans sa maison à faire ses préparatifs de départ, et part la nuit avec quelques affranchis et quelques esclaves, sans être poursuivi, pour la Toscane. Il laisse Lentulus, Céthégus et tous ses amis à Rome, leur remettant tranquillement, dit encore l’histoire, le soin de rallier la faction, d’entretenir la constance des conspirateurs, de tuer le consul, d’égorger le sénat, de massacrer la moitié des citoyens, de brûler la ville. Quant à lui, il va lever une armée de sicaires et d’incendiaires à Arezzo, à cent lieues de Rome.

Il laisse seulement une lettre convenable pour le sénat, dans laquelle il dit : qu’as sailli de fausses accusations et accablé par la coalition de ses ennemis, il cédait à la fortune et s’exilait lui-même à Marseille, non qu’il se reconnût coupable des crimes monstrueux qu’on lui imputait, mais pour rendre la sécurité à la république et pour ne point susciter de sédition dans Rome par son inflexibilité aux désirs du sénat.

Mais d’autres lettres, adressées par lui à ses amis particuliers de Rome, leur disaient : que, poussé aux extrémités par les injustices du sénat et par l’acharnement de ses persécuteurs, il allait prendre en main la cause populaire faire des débiteurs et des colons exhérédés des provinces contre les créanciers et contre le sénat, non qu’il eût be-