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CÉSAR.

Le combat fini, disent les récits de la bataille, on vit ce qu’étaient le courage et la résolution inspirés par Catilina aux soutiens de sa cause. Le corps de chacun de ses soldats occupait, mort, la place qu’il avait occupée, vivant ; toutes les blessures avaient été reçues en face ; on trouva le corps de Catilina seul, et bien loin en avant des siens, sur un monceau d’ennemis qu’il avait immolés avant de succomber lui-même ; il respirait encore, et son visage conservait dans la mort l’expression désespérée qui l’animait pendant la vie.

Cependant, la mort héroïque de Catilina, la composition, toute d’hommes libres, de son armée, et son refus d’enrôler les esclaves, prouvèrent qu’il n’avait jamais médité la guerre servile, la subversion, et encore moins l’incendie de Rome. On commença à réfléchir, a murmurer contre la précipitation de Cicéron, à disculper César, et bientôt à l’honorer pour des opinions populaires qui l’avaient fait insulter dans le sénat et qui n’étaient des crimes qu’en vers sa caste. Le peuple, inquiet des périls que pouvait courir son favori au milieu des patriciens ses ennemis, le suivait en foule quand il se rendait aux séances, et le redemandait à grands cris lorsqu’il tardait trop à sortir.

Ces agitations de la multitude en faveur de César alarmèrent tellement le sénat, que le sévère Caton lui-même proposa, pour contre-balancer sa popularité, de faire à la plèbe, au nom du sénat, des distributions mensuelles de blé pour fermer la bouche aux murmures. Mais César, nommé préteur malgré les patriciens, poussa jusqu’à la sédition la passion de la multitude pour lui ; il soulevait et il apaisait à son gré ces agitations plébéiennes, en sorte que le peuple croyait lui devoir la sujétion du sénat, et que le sénat, tremblant, le remerciait en corps de l’apaisement du peuple. Tribun à deux faces, tel qu’on n’en avait pas vu encore à Rome jusqu’à lui, d’une main soulevant et de