Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
CÉSAR.

lat, osa tout contre le parti de Cicéron et des patriciens, auxquels il avait arraché l’appui de Pompée. Il se déclara ouvertement le protecteur de Clodius, le plus turbulent des tribuns, qui voulait imiter les Gracques et qui avait juré la mort de Cicéron. Il fit inscrire cet agitateur, né, comme les Gracques, d’une famille illustre, et qui voulait, comme eux, répudier l’aristocratie en se jetant dans les rangs des plébéiens ; il fit arrêter Caton lui-même en plein sénat pour une harangue trop courageuse contre lui. Mais la vertu de Caton contrastait trop avec l’indigne prison à laquelle César l’avait condamné pour que l’opinion publique toléràt une telle profanation. César se hâta de lui rendre la liberté, de peur d’offenser les Romains.

Les peuples les plus corrompus se complaisant à laisser debout dans leurs assemblées quelques hommes incorruptibles, comme une pierre d’attente pour des temps meilleurs, ou comme une vaine représentation de la vertu antique dont les nations se décorent encore, même quand elles ne veulent plus s’en servir. Tel était Caton : une exception au temps, une colonne debout dans une ruine.

En même temps, pour retenir Pompée dans son alliance, il fit accuser un certain nombre de sénateurs d’avoir conspiré l’assassinat de Pompée. Enfin il lui donna pour épouse sa fille Julie, qu’il avait eue, à dix-sept ans, de sa première femme. Julie, adorée de son père et de son mari, fut, pendant qu’elle vécut, un lien de cœur entre deux rivaux qui n’étaient unis jusque-là que par la politique. Tranquille sur la solidité d’une alliance fondée sur de tels appuis, il brigua et obtint le consulat.

On lui donna pour collègue un homme opulent, mais nul, nommé Bibulus, dont il effaça si complètement le nom et les actes par sa conspicuité dominante, qu’on oublia qu’il y avait deux consuls. Il profita de son autorité consulaire pour s’emparer de plus en plus de la multitude par une loi