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CÉSAR.

agraire, assez modérée pour ne pas blesser Pompée, assez insolente pour humilier le sénat, assez libérale pour paraître une satisfaction suffisante à la plèbe.

Son collègue Bibulus, l’homme des patriciens ou des conservateurs, ayant voulu protester contre ces innovations, fut assiégé par une émeute soudoyée par César, et précipité de son tribunal au milieu du Forum par César lui-même, aux applaudissements du peuple. La terreur était telle que le sénat, auquel Bibulus en appela de ces outrages de son collègue, n’osa ni informer ni murmurer. L’homme qui traitait ainsi les lois pouvait-il s’arrêter devant la liberté de sa patrie ?

Son consulat avait fait d’un chef de parti un pouvoir public. Il ne consentit a en descendre que pour s’y faire regretter, pour y remonter à son gré et à son heure, pour y pousser en son absence ses créatures. Cette absence de Rome était pour lui un calcul : il avait besoin du prestige que donnent la distance, le bruit d’un nom venu de loin, l’exagération que les récits populaires ajoutent toujours aux exploits d’un homme que son pays suit des yeux. Il se trouvait précisément dans les mêmes circonstances où le général Bonaparte, ce César français, se trouvait sous le directoire quand il rêva une expédition semi-fabuleuse en Égypte, pour que l’éclat de l’Orient le désignât à l’attention de l’Europe.

Embarrassé de lui-même au dedans, César, comme Bonaparte, n’avait plus en ce moment de place convenable qu’au dehors. Quelque important qu’il fût par son parti dans Rome, sa popularité civile et même factieuse ne pouvait pas contre-balancer longtemps la gloire acquise par les armes, et l’autorité consacrée par l’habitude, de Pompée. Il fallait l’épée à l’homme qui n’était encore que le plus séduisant des tribuns.

Tout le monde se prêta avec empressement à ce désir