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CÉSAR.

comme le chef qu’elles élevaient ou qu’elles précipitaient par leurs acclamations.

César, qui avait d’instinct la philosophie de la guerre comme celle de la politique et des factions, comprit, après un premier regard sur les Gaules, que les deux conditions de succès dans un, pays barbare étaient l’organisation d’une armée peu nombreuse, mais indissoluble par la discipline et la tactique, et, sur un pays vaste et décentralisé, la rapidité des mouvements et des marches. Ce fut la tactique opposée à celle de Bonaparte, qui, ayant à combattre les vieilles phalanges savantes et méthodiques de l’Europe, jeta des masses innombrables sur des bataillons exercés.

Chacun de ces hommes de guerre avait sa raison dans son temps et dans la nature différente de son ennemi. Bonaparte eût été vaincu dans les Gaules, comme il le fut en Espagne ; César aurait été vaincu par les armées compactes de l’Autriche, de la Russie et de la Prusse en Italie. Se conformer par des moyens divers à des temps et à des lieux divers, c’est le même génie.

César partit de Rome avec ce plan, sans s’inquiéter beaucoup du petit nombre de légions que la république lui accordait. Son âme avait le secret de doubler ses forces. Mais, comme la guerre n’était pour lui qu’un moyen d’empire et non un but d’ambition satisfaite par des victoires, il s’occupa, en partant, de son retour plus que de son départ. Un événement domestique faillit déjouer ses intrigues avec le parti de la plèbe romaine, parti qu’il avait le plus remué depuis sa jeunesse et sur lequel il comptait le plus pour les grandes séditions civiles qui devaient tôt ou tard le rappeler pour chef ou pour arbitre à Rome.

Il y avait à Rome un jeune patricien, émule des Gracques, dont nous avons prononcé le nom parmi ceux des protégés de César et des favoris de sa faction : c’était