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CÉSAR.

bares elles-mêmes, n’étaient qu’une anarchie sans fixite au dedans, une confédération sans lien au dehors. Divisées non-seulement en races, mais aussi en castes, tour à tour subordonnées, ou antipathiques, ces peuplades n’avaient d’autre unité que la religion, et cette religion était atroce.

Les druides, théocratie enracinée dans la superstition commune, gouvernaient le peuple par la terreur du ciel et maintenaient cette terreur par des hécatombes humaines. Les autels étaient des billots de pierre sur lesquels on creusait des égouts de sang.

Quand la conquête des Romains n’aurait fait qu’arracher la Gaule aux druides et l’initier a des cultes plus doux, il faudrait bénir les guerres de César. Elles asservirent un peuple, mais elles délivrèrent l’esprit humain. Cette religion aux mains rouges de sang, les guerres civiles incessantes, les luttes invétérées entre les druides, les nobles, le peuple, les esclaves, la férocité originelle, la barbarie qui enlève son prix à la vie, les distances, les forêts, les marais, les fleuves, les armes sauvages, l’habitude d’être toujours armés, enfin une rivalité de mépris de la mort et une passion innée pour l’indépendance auraient rendu les Gaulois invincibles s’ils avaient été unis. Leur division, leur mobilité proverbiale, leur incohérence entre les divers groupes de population, leur dissémination entre des chefs plus ennemis les uns des autres qu’ils ne l’étaient de l’ennemi commun, les rendaient faciles à l’asservissement. Il suffisait de mettre le coin romain dans ce granit décomposé ou non encore suffisamment aggloméré par le temps, pour que le bloc tombât en poussière.

D’héroïques résistances isolées, et nulle entente générale de résistance commune : voilà ce que César avait à attendre ou à craindre d’un tel pays. Il allait combattre des guerriers, mais point d’armée, ou des armées précaires