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CÉSAR.

qu’on impute à Clodius. » Le tribun qui l’interroge, étonné d’une réticence si étrange, lui demande pour quel motif alors il a répudié Pompéia le lendemain de la découverte de Clodius dans sa maison. Il explique cette inconséquence évidente par un de ces mots qui cachent le vide de sens sous l’apparat du sophisme. « C’est, dit-il, que la femme de César ne doit pas même être soupçonnée. » L’esprit de parti se contenta de cette réponse, qui, si elle était sérieuse, condamnerait une femme innocente pour le crime de son suborneur ou pour la malignité de ses calomniateurs. Mais César éluda ainsi la rupture des intelligences qu’il voulait conserver avec le boute-feu de Rome.

Il profita même de cette circonstance pour s’assurer un appui de plus dans le sénat en épousant Calpurnie, fille de Pison, homme consulaire, du tiers parti de Rome, dont l’alliance était une racine jetée de loin dans l’aristocratie. Ayant ainsi combiné ses popularités contraires dans la plèbe, dans les vétérans et dans les colons par ses lois agraires, dans le sénat par Pompée, dans le parti des honnêtes gens par Cicéron, dans le parti de Marius par sa première femme, dans le parti de Sylla par la seconde, dans le parti intermédiaire par la troisième, dans la coterie des riches par Crassus, dans la horde des démagogues et des scélérats par Clodius, il rassembla, dit-on, avant son départ, tous les membres de ces factions diverses, dont il avait fait ainsi sa faction personnelle, et il leur fit prêter serment de soutenir dans Rome sa fortune, pendant qu’il allait grandir pour revenir à son tour servir de sa toute puissance leurs intérêts.

Ce fut la ligue de toutes les ambitions subalternes avec l’ambition suprême. Tout en est vrai dans la contexture, excepté sans doute le serment rapporté par Suétone. César, assez impie pour douter des dieux, n’était pas assez novice pour croire qu’on retenait les hommes politiques par un