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CÉSAR.

Il ne leur restait plus que la route du Jura, route si difficile qu’ils n’osaient s’y engager sans le consentement formel des habitants. Ceux-ci, circonvenus par Dumnorix, l’ancien allié d’Orgétorix, ne défendirent pas l’entrée des montagnes, quoiqu’ils l’eussent promis aux Romains.

Les Helvètes se dirigèrent sur la Saône, limite commune des Séquanes (Francs-Comtois) et des Édues (Autunois). Les émigrants travaillèrent jour et nuit à rassembler des barques, à construire des radeaux ; mais une si grande multitude de peuple, de bêtes de somme, de bétail, de chariots, de bagages de toute sorte, occasionna une perte immense de temps. Les Tigurins, qui formaient l’arrière-garde, étaient encore sur la rive gauche du fleuve quand César arriva comme la foudre et les tailla en pièces ; puis, jetant un pont sur la rivière, il fit en un jour passer toute son armée, forte de soixante-dix mille hommes, sur l’autre rive.

Les Helvètes avaient marché si lentement que César avait eu le temps de courir en Italie, d’en ramener cinq légions, de traverser les Alpes par le plus court chemin, malgré la vigoureuse défense des montagnards, peuplades ennemies de Rome, et d’arriver ainsi au secours des Édues, menacés par l’invasion des Helvètes.

Effrayés de sa promptitude, les Helvètes lui envoyèrent des députés chargés, disaient-ils, de traiter de la paix ; mais les discours de ces hommes et leur choix faisaient voir que leur mission n’était qu’une feinte pour gagner du temps. À leur tête se trouvait Divicon, qui commandait les Tigurins lors de la journée du Léman et qui avait fait passer les légions romaines sous le joug. Quoique âgé de quatre-vingts ans, le vieux chef parla à César victorieux avec le même orgueil qu’il avait parlé cinquante ans auparavant aux lieutenants des légions vaincues :

« Si les Romains veulent la paix, lui dit-il, qu’ils nous