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CÉSAR.

droite, les prirent en flanc, et, faisant le tour de la hauteur où le camp était assis, parvinrent tout à coup au sommet. À cette vue, la cavalerie romaine, déjà rompue, et toutes les troupes auxiliaires commencèrent à se mettre en pleine déroute. Des cavaliers que la cité Trévire (Trèves) avait envoyés par peur à César, voyant le camp rempli de troupes nerviennes, les légions pressées et presque enveloppées, les valets du camp, la cavalerie, les frondeurs, les Numides dispersés et fuyant de toutes parts, crurent la bataille désespérée, et reprirent aussitôt la route de leur pays, publiant avec joie que les Romains étaient défaits, leur camp et tout leur bagage au pouvoir des Nerviens.

La bataille était perdue, en effet, si César, par un prodigieux effort de courage, n’eût rétabli le combat. Comme il n’avait pas son bouclier, il saisit celui d’un des soldats du dernier rang, se fait jour au front de la bataille, appelle les centurions par leur nom, encourage les soldats, ordonne aux files de se déployer, afin qu’on puisse se servir de l’épée, commande la charge et la conduit lui-même. Sa présence, son exemple, rendent l’espoir aux troupes. Chacun, sous les yeux de son général, veut faire plus que son devoir, et l’impétuosité de l’ennemi se ralentit un peu.

Cependant, sur la nouvelle du combat, les deux légions d’arrière-garde qui escortaient le bagage accouraient à toutes jambes. L’arrivée de ces troupes fraîches changea complètement la situation des choses. Les Romains prirent l’offensive, et ce fut aux Nerviens à se défendre : « On vit, dit César, des soldats qui gisaient couverts de blessures se soulever sur leurs boucliers pour prendre encore part à l’action, les valets de l’armée se jeter sans armes sur leurs ennemis armés, et la cavalerie, pour effacer par sa bravoure la honte de sa fuite, se battre partout à l’envi des légionnaires. »