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CÉSAR.

voyant de loin déployées, gonflées par le vent, crurent l’Atrebate en mer et retournèrent sur leurs pas.

Comm recommença le duel avec plus d’acharnement que jamais : il voulait se venger de sa blessure et de la perfidie de son ennemi. Un jour qu’après une action fort vive il se retirait avec ses cavaliers, il aperçoit le Romain qui le suivait presque seul : il fait volte-face, et, s’élançant sur son ennemi tête baissée, lui perce la cuisse de part en part.

Sa vengeance était satisfaite ; il envoie dire à Mare-Antoine qu’il s’engageait a vivre où l’on voudrait, à faire ce qu’on lui ordonnerait, et à donner pour sûreté des otages ; qu’il ne demandait qu’une condition, de ne paraître devant aucun Romain.

Antoine, pressé d’en finir, accueillit la demande.

La Gaule déposait les armes, épuisée de sang pour combattre et de chefs pour la conduire.

« Qu’on se représente, dit un historien ancien, Paul Orose, un malade pâle, décharné, défiguré par une longue fièvre brûlante qui au tari son sang et abattu ses forces pour ne lui laisser qu’une soif importune sans le pouvoir de la satisfaire : voilà, l’image de la Gaule épuisée et domptée par César, d’autant plus altérée de la soif ardente de sa liberté perdue que la liberté semble lui échapper pour jamais. De là ses tentatives aussi fréquentes qu’inutiles et hasardées pour sortir de la servitude ; de la de plus grands efforts de son vainqueur irrité pour lui rendre le joug plus pesant ; de la l’accroissement du mal, la diminution et la perte enfin de l’espérance même. Ainsi, préférant son malheureux sort au danger de remèdes incertains, et n’osant plus entreprendre de se relever de peur de tomber dans des calamités plus profondes, la Gaule demeurait sans chaleur, sans mouvement, accablée, mais non tranquille. »