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CÉSAR.

merce assidu de lettres qui faisait croire à chacun qu’il avait en lui le plus tendre et le plus confiant des amis. Il avait emmené avec lui le frère de Cicéron, Quintus, et il lui conférait les charges les plus lucratives pour que l’intérêt de Quintus retînt le grand Cicéron dans les intérêts de César. Toute la jeunesse militaire de Rome, appelée par ses faveurs autour de lui, se glorifiait de servir sous César et le préférait ouvertement à la patrie. Les trésors et les dépouilles de la Gaule, rançon des villes et pillage des temples, lui servaient à corrompre tantôt le peuple entier de l’Italie par des libéralités, tantôt les endettés de Rome par les millions qu’il payait pour eux à leurs créanciers. Après avoir été par politique le débiteur de tout le monde, il était devenu le créancier complaisant de tous les jeunes dissipateurs de Rome. La bourse de César était la source intarissable où le tribun Curion, le consul même Paulus, puisaient leur or. Il éblouit le peuple romain de ses dons ; il prête aux sénateurs sans intérêt ; il achète de ses deniers, pour en faire présent à la ville, un terrain pour un nouveau Forum qui lui coûte soixante millions de sesterces ; il fait construire au Champ de Mars un portique couvert, pour les comices, d’un mille d’étendue ; il élève des palais aux colonnes de marbre pour les réunions des citoyens, il envoie des armées de gladiateurs pour les cirques ; il fait présent de milliers d’esclaves aux rois alliés de la république ; il donne asile dans sa province à tous les banqueroutiers et à tous les hommes flétris par des condamnations infamantes ; il appelle à la suite de ses camps tous les aventuriers, sangsues des pays conquis, pour les engraisser de ses rapines. On ne sait si son armée est notée de plus de gloire par ses exploits ou de plus d’infamie par ses mœurs. « Les soldats de César, dit-il complaisamment, peuvent vaincre, quoique assouvis de débauche et de luxe ! »