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CÉSAR.

mes livres. J’aime mieux être assis dans votre bibliothèque, sur ce petit banc qui est au-dessous de l’image d’Aristote, que dans leurs chaises curules, et me promener avec vous que de marcher avec celui que je vois bien qu’il faudra suivre ; mais remettons-nous-en au sort et aux dieux, s’il en est en effet qui se mêlent des choses d’ici-bas !… Tout est brigue ici : la faction de César porte Memnius pour consul ; cela ne plaît point à Pompée, qui s’indigne et se plaint tout haut ; il s’est déclaré pour Scaurus. Ces troubles ne peuvent aboutir qu’a un interrègne ; on pourrait bien nommer un dictateur. »

Ce mot faisait à la fois méditer César et Pompée.

« Considérez dans de telles circonstances combien il est heureux pour moi d’avoir une si gracieuse bienveillance de César ! Quelle heureuse planche dans le naufrage ! Comme il traite mon frère ! comme il le comble de prévenances, de dignités, d’honneurs ! César vient de lui laisser choisir entre tous les quartiers d’hiver la résidence le plus à sa convenance pour la légion qu’il commande ! Et on n’aimerait pas un tel homme de préférence à tous ceux-ci ? »

Les Romains, en effet, en étaient venus à cet excès de désordre où l’on n’a plus qu’à implorer un maître pour relever la liberté s’il est honnête, pour asservir la patrie s’il n’est qu’ambitieux. Milon venait d’armer populace contre populace, d’arracher Clodius de sa litière sur le chemin de Tibur, et de le tuer dans une rixe, à défaut de justice, pour venger les bons citoyens de ces incendiaires de sa patrie. Le meurtre accidentel ou prémédité de Clodius fit jeter a la multitude de Rome le même cri que la multitude de Paris jeta au meurtre de Marat par Charlotte Corday. Clodius était, en effet, le Marat de Rome. La honte de César fut d’avoir protégé si longtemps et jusqu’à sa mort un pareil scélérat. César ami de Clodius ! Ces deux noms associés par l’histoire des agitations de Rome dévoilent assez