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CÉSAR.

dépôt, refusait obstinément d’ouvrir les portes du temple où le trésor était sous la garde des dieux ; il objectait les lois divines et humaines.

Le temps des armes et le temps des lois sont deux temps, lui dit rudement César ; si mon sacrilége te fait horreur, tu n’as qu’à te voiler la face et à te retirer, car la guerre ne s’accommode pas de ces libertés et de ces résistances. Lorsque nous aurons déposé les armes et que l’ordre sera rétabli, tu pourras venir me faire a ton aise tes harangues. Et quand je te parle ainsi, continua-t-il avec un accent plus âpre, je veux bien que tu saches que je te fais grâce, car tu es et ma discrétion, et toi et tous ceux qui, après avoir combattu mon parti, sont tombés entre mes mains ! »

Comme l’intrépide patriote s’opposait seul encore a ce que les serruriers appelés par César enfonçassent les portes de fer du trésor, César s’emporta jusqu’à tirer l’épée contre Métellus et à le menacer de mort. « Et tu n’ignores pas, jeune homme, ajouta-t-il en se calmant, qu’il me serait aussi facile de le faire que de le dire ! »

Cette violence émut plus l’Italie que le passage même du Rubicon. On sentit que la modération ne serait que dans les paroles, mais que tout obstacle paraîtrait crime à une si implacable volonté. Les amis mêmes de César se confièrent en secret leur horreur.

« Il ne rêve plus rien que d’atroce, écrit Célius ; il ne parle plus que par menaces, il ne croit plus avoir besoin de son masque de douceur, il oublie son rôle d’homme clément avec Métellus, d’homme intègre en pillant le trésor public : une telle tyrannie ne peut pas durer six mois ! Il mérite le nom de tyran, et ouvertement il l’accepte ; il n’a voulu paraître un moment modéré que parce que la modération était populaire ! »

Comme si ces murmures avaient importuné ses oreilles,