Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
329
CÉSAR.

sauver, comme s’il avait été abandonné par ceux qu’il a abandonnés lui-même ! Ainsi, lorsque je délibère sur le parti que j’ai à prendre, c’est particulièrement mon inclination pour Pompée qui me détermine à le suivre ; sans cela, j’aimerais mieux mourir dans le sein de ma patrie que de la détruire sous prétexte de la défendre. Enfin il me semble qu’il n’y a plus de soleil dans le monde. »

Mais pendant que les bons s’éloignaient, que les faibles gémissaient, que les ambitieux flottaient, que la république, selon l’expression de Plutarque, n’avait de patrie que dans la fuite, César, maître en soixante jours de toute l’Italie, revenait de Brindes à Rome pour constater et pour tenter de légaliser son usurpation. Il n’y restait que quelques magistrats secondaires, décidés à braver seuls, et sans espoir pour l’honneur de la liberté, le violateur de la patrie ; quelques-uns de ces sénateurs pour lesquels rien n’est criminel de ce qui réussit, et qui, après avoir reconduit Pompée avec deuil, s’empressaient d’aller au-devant de César avec joie ; enfin ce peuple flottant et ballotté au gré des événements sans les comprendre, comme l’écume s’élève à tous les vents. Cette multitude de cinq cent mille prolétaires dont César avait affecté de prendre en main la cause, ne lui demandait ni des lois ni des libertés, mais l’humiliation de l’aristocratie, les dépouilles de la patrie, le froment gratuit, des gladiateurs, des spectacles et des licences.

Pour satisfaire à cette exigence de la populace romaine et de la solde des Gaulois qu’il avait enrôlés en légions contre l’Italie, il lui fallait de l’or. Les subsides et les rapines de la Gaule étaient épuisés. César ne pouvait puiser que dans le trésor public, que les lois et les mœurs avaient rendu jusque-là sacré et inviolable, même aux dictateurs, comme la propriété des morts, des vivants et de la postérité. Un jeune homme, le tribun Métellus, gardien de ce