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CÉSAR.

tecteur, son allié, son gendre ; peut-être aussi pleura-t-il à cette image de l’instabilité du bonheur ! Il y a au sein même de la victoire des retours semblables vers le passé et vers l’avenir, dans le cœur des ambitieux assouvis ; César était plus capable qu’un autre de ces inconséquences de larmes dans la joie, car il y avait autant de mouvements involontaires de sensibilité que d’emportements d’ambition dans sa grande âme.

Il fit recueillir et honorer ce qu’on put retrouver de la cendre de Pompée ; il désavoua et poursuivit ses meurtriers : il voulait bien qu’on l’aidât a vaincre, mais non qu’on déshonorât sa victoire par des assassinats commis en son nom. On ne sait ce qu’il ambitionnait le plus de la gloire ou de la puissance. Le sang de Pompée tachait cette gloire dans la postérité ; il le rejetait avec horreur a ses bourreaux.

Pendant qu’il équipait une flotte pour aller chercher son armée à Pharsale et qu’il attendait les vents obstinés contre lui, l’Égypte, en proie à une anarchie dynastique, se déchirait sous ses yeux.

Une jeune et séduisante reine, sœur et femme de Ptolémée, et ayant les mêmes droits que lui au trône, avait levé une armée contre son frère et son mari, et, soutenue dans sa compétition par Sextus Pompée, parent et lieutenant du grand Pompée, elle assiégeait Alexandrie. Dans le premier rayonnement d’une beauté dont l’irrésistible séduction se confond avec la fable, douée d’un esprit, d’une éloquence et d’une passion qui ressemblaient au sortilége, reine, politique, courtisane à la fois, Cléopâtre voyait son sort dans les mains du maître du monde. Elle ne doutait pas d’exercer sur l’arbitre de son trône l’empire de ses larmes, de ses entretiens et de son amour.

Aussi confiante dans sa séduction que César l’était dans sa fortune, la jeune reine congédie ses troupes, s’embarque