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CÉSAR.

patriciens, mais qu’il espérait facilement ramener à sa cause.

Chacun des hommes illustres, des sénateurs et des citoyens du parti de Pompée, suivit, après la bataille de Pharsale, l’instinct de sa lâcheté ou de son courage ; le plus grand nombre s’embarquèrent avec quelques débris des légions sur la flotte intacte de Bibulus, qui les transporta en Afrique pour y continuer la guerre désespérée ; beaucoup se réconcilièrent avec le vainqueur ; Caton s’obstina dans son amour de la liberté ; Cicéron rentra en Italie, heureux d’être soulagé, par la décision de la fortune, de l’indécision de son caractère. Il alla honteusement représenter à Rome, sous une tyrannie qu’il détestait, on ne sait quelle dignité accommodante du citoyen qui blame tout bas et qui flatte tout haut l’oppresseur de la patrie.

César, sans flotte par la fuite de Bibulus en Afrique, ne pouvait saisir sa proie après l’avoir abattue. Il ne voulait pas donner cependant à la république le temps de se reconstruire, ne fût-ce que sur une plage de l’Asie ou sur un rocher de l’Afrique. Il crut à son nom plus qu’à une flotte et à une armée.

Il laisse ses légions à Antoine, il traverse la Macédoine avec trois mille hommes et quelques cavaliers, il surprend dans le Bosphore une escadre de la flotte de Pompée à l’ancre, il s’y embarque avec cette poignée de soldats, et arrive à Alexandrie d’Égypte presque aussitôt que le bruit de sa victoire.

Un jeune Ptolémée, pupille et client de Pompée, régnait en Égypte : c’étaient les lâches ministres grecs de cet adolescent qui avaient fait égorger Pompée, leur bienfaiteur, pour capter d’avance par ce service présumé la faveur de César. Ils lui présentèrent à son débarquement la tête de son rival ; César, soit feinte, soit attendrissement, pleura en voyant le visage inanimé de celui qui avait été son pro-