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CÉSAR.

me détromper de ma longue erreur, afin que, démentant toutes les autres opinions dans lesquelles nous avons jusqu’ici vécu, et convertis à d’autres maximes par la vertu de César, nous nous repentions et nous lui rendions grâce de nous avoir dessillé les yeux ? Mais non, ajouta-t-il en reprenant un ton plus sérieux, je n’ai rien arrêté encore définitivement avec moi-même, j’en délibérerai encore mûrement avec vous, et par les arguments dont nous nous servons dans nos entretiens philosophiques ; mais allez consoler mon fils et dites-lui bien que, s’il ne peut persuader son père, il ne faut pas qu’il tente de le contraindre. »

Ses amis, convaincus qu’il n’y avait rien à attendre d’un pareil homme que ce qu’on obtiendrait de lui-même, sortirent les larmes aux yeux et lui renvoyèrent son épée. Seulement, par une ruse inaperçue de la tendresse de son fils, ils la lui firent rapporter non par un homme fait, dont l’aspect aurait pu le soutenir dans une résolution trop virile, mais par un petit enfant. Ils espéraient que cette image de l’innocence et de la douceur, contrastant avec l’épée que ses petites mains lui présenteraient, rappelleraient à Caton son propre fils et le détourneraient de laisser un orphelin sur la terre.

Caton sourit en effet à l’enfant, plaça l’épée sur son chevet, rouvrit son livre, le lut une seconde fois jusqu’à la fin, puis s’endormit d’un sommeil paisible, comme un homme qui a déposé enfin un grand souci ou qui a trouvé le mot d’une grande énigme. Il ne se réveilla qu’au jour ; il appela alors un de ses confidents et lui commanda d’aller vers le port s’assurer si tous les fugitifs étaient en sûreté sur les galères et si le vent et les flots leur étaient propices.

Ce confident revint lui dire que tout le monde était embarqué, mais qu’une violente tempête ballottait les galères et déchirait les voiles ; il soupira, sans rien dire, de pitié sur les périls et sur les souffrances des passagers, et ren-