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CÉSAR.

tique, quatre années d’agonies convulsives sur trois continents quand l’Italie manqua aux combattants, enfin six cent mille cadavres de citoyens romains et trente suicides d’hommes libres, confondent les sophismes historiques des écrivains ; une telle agonie prouve une vie encore robuste et profonde. Non, la liberté romaine ne mourut pas de sa propre mort, comme on l’a écrit pour excuser ou flatter les imitateurs de César ; elle fut tuée, et César fut le meurtrier.

Les fils de Pompée s’évadèrent presque seuls de Munda, non par lâcheté, mais par courage ; ils voulaient conserver un grand nom à la liberté et combattre avec acharnement jusqu’au dernier soupir, au lieu de mourir vainement pour elle. L’aîné, Cnéius Pompée, fut tué en défendant l’entrée d’une caverne des montagnes aux bourreaux de César ; le second parvint avec quelques braves vétérans en Portugal, y arma quelques galères et combattit en corsaire sur les flots, puisque la terre lui manquait contre César.

Il faut se défier des histoires écrites sous les descendants des usurpateurs de leur patrie. En histoire comme en guerre, malheur aux vaincus ! Ce ne sont pas les contemporains seuls qui sont adulateurs des crimes heureux, l’avenir l’est aussi. Il y a dans l’humanité tout entière une certaine inclination lâche ou perverse, qui la porte à donner raison à ce qui à force et à condamner sans examen ce qui a succombé. C’est contre cette lâcheté de la postérité que les philosophes impassibles et les historiens justes ont la mission de protester avec la conscience et avec la vérité.

César revint triompher insolemment de sa patrie dans Rome. Plutarque, si indulgent pour la gloire, ne peut s’empêcher de murmurer contre tant d’insolence.

« Ce fut là, dit-il, la dernière des guerres de César. Le triomphe qu’il s’arrogea pour avoir exterminé les quatorze