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HOMÈRE.

quêtes en Grèce, n’estimèrent rien à l’égal de la conquête des poëmes d’Homère, et dont tous les poëtes ne furent que les échos prolongés de cette voix de Chio. Puis vinrent les ténèbres des âges barbares, qui enveloppèrent près de mille ans l’Occident d’ignorance, et qui ne commencèrent à se dissiper qu’à l’époque où les manuscrits d’Homère, retrouvés dans les cendres du paganisme, redevinrent l’étude, la source et l’enthousiasme de l’esprit humain. En sorte que le monde ancien, histoire, poésie, arts, métiers, civilisation, mœurs, religion, est tout entier dans Homère ; que le monde littéraire, même moderne, procède à moitié de lui, et que, devant ce premier et ce dernier des chantres inspirés, aucun homme, quel qu’il soit, ne pourrait sans rougir se donner a lui-même le nom de poëte. Demander si un tel homme peut compter au rang des civilisateurs du genre humain, c’est demander si le génie est une clarté ou une obscurité sur le monde ; c’est renouveler le blasphème de Platon ; c’est chasser les poëtes de la civilisation ; c’est mutiler l’humanité dans son plus sublime organe, l’organe de l’infini ! c’est renvoyer à Dieu ses plus souveraines facultés, de peur qu’elles n’offusquent les yeux jaloux, et qu’elles ne fassent paraître le monde réel trop obscur et trop petit, comparé à la splendeur de l’imagination et à la grandeur de la nature !