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CICÉRON.

Cicéron le fut de bonne heure, longtemps et toujours. Il ne fut si souverain orateur que parce qu’il était poëte. La poésie est l’arsenal de l’orateur. Ouvrez Démosthène, Cicéron, Chatham, Mirabeau, Vergniaud : partout où ces orateurs sont sublimes, ils sont poëtes. Ce qu’on retient et jamais de leur éloquence, ce sont des images et des passions dignes d’être chantées et perpétuées par des vers.

En sortant de l’adolescence, Cicéron publia plusieurs poèmes qui le placèrent, disent les historiens, parmi les poëtes renommés de son temps. Plutarque affirme que sa poésie égala son éloquence.

Il étudiait en même temps la philosophie sous les maîtres grecs de cette science qui les contient toutes. Il suivait surtout les leçons de Philon, sectateur de Platon. Il ouvrait ainsi son âme par tous les pores à la science, à la sagesse, à l’inspiration, à l’éloquence. Recueillant tout ce qui avait été pensé, chanté ou dit de plus beau avant lui sur la terre, pour se former à lui-même dans son âme un trésor intarissable de vérités, d’exemples, d’images, d’élocution, de beauté morale et civique, il se proposait d’accroître et d’épuiser ensuite ce trésor pendant sa vie, pour la gloire de sa patrie et pour sa propre gloire, immortalité terrestre dont les hommes d’alors faisaient un des buts et un des prix de la vertu.

Il suivait assidûment aussi, à la même époque, les séances des tribunaux et les séances du Forum, ce tribunal des délibérations politiques devant le peuple, écoutant, regardant agir les grands maîtres de la tribune de son temps : Scévola, Hortensius, Cotta, Crassus, et surtout Antoine, dont il a depuis immortalisé lui-même l’éloquence dans ses traités sur cet art. Il s’honorait d’être leur disciple, et il s’étudiait en rentrant chez lui à reproduire de mémoire, sous sa plume, les traits de leurs harangues qui avaient ému la multitude ou charmé son esprit. Ignoré encore lui--