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CICÉRON.

parlerons pas ; ils forment des volumes. Ils sont restés monuments de l’esprit humain.

Ces discours furent la base de la renommée et de la vie publique du jeune Cicéron. Mais il fut consumé par sa propre flamme : son corps fragile ne put supporter ces excès d’études, de parole publique, de clientèle et de gloire dont il était submergé. Sa maigreur, sa pâleur, ses évanouissements fréquents, l’insomnie, la voix brisée par l’effort pour répondre à l’avidité et aux applaudissements de la foule, son exténuation précoce, qui, pour une gloire du barreau et des lettres trop tôt cueillie, menaçait une vie avide d’une plus haute et plus longue gloire, peut-être aussi les conseils que lui donnèrent ses amis d’échapper à l’attention de Sylla, qu’une si puissante renommée pouvait offusquer dans un jeune favori du peuple, et que Cicéron avait légèrement blessé en défendant un de ses proscrits que personne n’avait osé défendre ; toutes ces causes, et plus encore la passion d’étudier la Grèce en Grèce même, décidèrent Cicéron à quitter Bome et le barreau, et à visiter Athènes.

Il s’y livra presque exclusivement, sous les philosophes grecs les plus renommés, à l’étude de la philosophie. Sous le charme de ces études, qui dépaysent l’âme des choses terrestres pour l’élever aux choses immatérielles, il avait pour un temps renoncé à Rome, à l’ambition et à la gloire. Lié avec Atticus, riche Romain, voluptueux d’esprit, qui n’estimait les choses que par le plaisir qu’elles donnent, Cicéron se proposait de recueillir son modique patrimoine en Grèce, et de s’établir à Athènes pour y passer obscurément sa vie dans l’étude du beau, dans la recherche du vrai, dans la jouissance de l’art. Mais sa santé se rétablissait ; les maîtres des écoles d’éloquence les plus célèbres d’Athènes, de Rhodes, de l’Ionie, accouraient pour l’entendre discourir dans les académies de l’Attique ; et, pé-