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CICÉRON.

au malheur, mais au danger du temps. Il reparut à Rome après le rétablissement violent mais régulier des choses et du sénat par Sylla. Il se prépara et la tribune politique et aux charges de la république par l’exercice du barreau, noviciat des jeunes Romains qui aspiraient ainsi a l’estime et à la reconnaissance du peuple, avant de briguer ses suffrages pour les magistratures. Il publia en même temps des livres sur la langue, sur la rhétorique, sur l’art oratoire, qui décelaient la profondeur et l’universalité de ses études. Ses premiers plaidoyers pour ses clients étonnèrent les orateurs les plus consommés de Rome. Sa parole éclata comme un prodige de perfection inconnu jusqu’à ce jeune homme dans la discussion des causes privées. Invention des arguments, enchaînement des faits, conclusion des témoignages, élévation des pensées, puissance des raisonnements, harmonie des paroles, nouveauté et splendeur des images, conviction de l’esprit, pathétique du cœur, grâce et insinuation des exordes, force et foudre des péroraisons, beauté de la diction, majesté de la personne, dignité du geste, tout porta, en peu d’années, le jeune orateur au sommet de l’art et de la renommée. Ses discours, préparés dans le silence de ses veilles, notés, écrits à loisir, effacés, écrits de nouveau, corrigés encore, comparés studieusement par lui aux modèles de l’éloquence grecque, appris fragments par fragments, tantôt aux bains, tantôt dans ses jardins, tantôt dans ses promenades autour de Rome, récités devant ses amis, soumis à la critique de ses émules ou de ses maîtres, prononcés en public sur le ton donné par des diapasons apostés dans la foule, enrichis de ces inspirations soudaines qui ajoutent la merveille de l’imprévu et le feu de l’improvisation à la sûreté et à la solidité de la parole réfléchie, étaient des événements dans Rome. Ils existent revus et publiés par l’orateur lui-même ; ils sont encore des événements pour la postérité. Nous n’en