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CICÉRON.

tout ce qui n’est pas vulgaire comme lui. Il ne s’émut pas de ces railleries, et continua à se perfectionner en silence, pour le seul amour du beau et du bien. Il vivait alors familièrement avec le plus grand acteur de la scène romaine, Roscius ; ils s’étudiaient ensemble : l’acteur, à imiter les intonations, les attitudes et les gestes que la nature inspirait d’elle-même à Cicéron ; l’orateur, à imiter l’action que l’art enseignait à Roscius : et de cette lutte entre la nature qui inspire et l’art qui achève résultait pour l’acteur et pour l’orateur la perfection, qui consiste, pour l’acteur il ne rien feindre au théâtre qui ne jaillisse de la nature, et pour l’orateur à ne rien professer à la tribune qui ne soit avoué par l’art et conforme à la suprême convenance des choses, qu’on nomme le beau.

Cependant le père, la mère, les oncles de Cicéron et ses amis le conjuraient de faire violence à son goût pour la retraite, et de ne pas priver la république, dans des temps difficiles, des dons que les dieux, l’étude, les lettres, les voyages, avaient accumulés en lui. « La vertu et l’éloquence ne lui avaient été données, lui disaient-ils, que comme deux armes divines pour la grande lutte qui se balançait entre les hommes de bien et les scélérats, entre la république et la tyrannie, entre l’anarchie des démagogues et la liberté des bons citoyens. » Il céda et leurs instances, et sollicita la questure la même année où les deux plus grands orateurs du temps, ses maîtres et ses modèles, Hortensius et Cotta, sollicitèrent le consulat, première magistrature de Rome, qui durait un an. Le peuple, lassé des hommes de guerre qui avaient ensanglanté assez longtemps Rome, voulut relever la liberté et la tribune en les nommant tous les trois. La questure était une magistrature secondaire qui donnait entrée dans le sénat. Les questeurs étaient chargés de percevoir les tributs et d’approvisionner Rome. Le sort, qui distribuait les provinces entre les questeurs, donna la