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CICÉRON.

Sicile à Cicéron. Tout en prévenant par ses mesures la disette qui menaçait le peuple romain, il ménagea la Sicile et s’y fit adorer ; il la parcourut tout entière, moins en proconsul qu’en philosophe et en historien curieux de rechercher dans ses ruines les vestiges de sa grandeur antique. Il y découvrit le tombeau d’Archimede, un des plus grands génies que la mécanique ait jamais donnés aux hommes, et il fit restaurer à ses frais le monument de cet homme presque divin.

Plein du bruit que son nom, son éloquence et sa magistrature heureuse faisaient en Sicile, il s’étonna, en revenant à Rome, de trouver ce nom et ce bruit étouffés par le tumulte tous les jours nouveau d’une immense capitale absorbée dans ses propres rumeurs, dans ses passions, dans ses intérêts, dans ses jeux, et divisée entre ses tribuns, ses agitateurs et ses orateurs. Il comprit que, pour influer sur ce peuple mobile et sensuel, il ne fallait pas disparaître un jour de ses yeux. Il épousa Térentia, femme d’illustre extraction et de fortune modique. Il acheta une maison plus rapprochée du centre des affaires que sa maison paternelle, située dans un quartier d’oisifs. Il ouvrit cette maison à toute heure à la foule des clients ou des plaideurs qui assiégeaient à Rome le seuil des hommes publics. Il apprit de mémoire le nom et les antécédents de tous les citoyens romains, afin de les flatter par ce qui flatte le plus les hommes, l’attention qu’on leur marque dans la foule, et de les saluer tous par leur nom quand ils l’abordaient dans la place publique. Il n’eut plus besoin ainsi d’un affranchi qu’on appelait le nomenclateur, et qui suivait toujours les candidats aux charges, ou les magistrats, pour leur souffler à voix basse le nom des citoyens.

Parvenu à l’âge de quarante et un ans, possesseur, par ses héritages personnels et par la dot de Térentia, sa