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CICÉRON.

quante mille sesterces pour ma maison de Formies (vinq-cinq mille francs). D’où vient cette estimation inique, qui indigne non seulement les honnêtes gens, mais même la multitude ?… Ceux qui m’ont coupé les ailes ne veulent pas qu’elles repoussent… Mes affaires domestiques sont ruinées. On rebâtit ma maison de Rome ; vous jugez a quels frais pour un proscrit ! Quant à ma maison de Formies, que je suis tenu de reconstruire aussi, je ne puis ni la revoir dans sa ruine ni m’en défaire. Je cherche vainement vendre ma retraite de Tusculum. D’autres chagrins intérieurs m’assiégent, que je vous dévoilerai plus clairement ailleurs… Mais je suis adoré de ma fille Tullie et de mon frère !… »

Et quelques jours après :

« Clodius et ses bandes sont venus en armes, attaquer et disperser hier les ouvriers qui rebâtissent ma maison ; ils ont mis le feu à celle de mon frère, que j’habite… Mes maisons pillées, abattues, incendiées, déposent maintenant, par leurs débris, contre lui !… Comme je descendais moi-même la rue Sacrée, Clodius et ses sicaires m’ont rencontré et poursuivi avec de grandes clameurs, d’épées nues, de bâtons levés, de pierres lancées sur moi et ma suite ; nous nous sommes réfugiés avec peine dans le vestibule de la maison de Tertius. Le scélérat, se sentant désavoué par le peuple même, se jette tout entier aux violences et aux crimes de Catilina. Il a marché ces jours-ci, à la tête d’une troupe armée de boucliers, de glaives et de torches, contre la maison de Milon, mon ami et mon appui. Il menace Rome des dernières catastrophes, s’il ne parvient pas à se faire nommer édile. Milon est résolu à tuer ce monstre s’il le rencontre ; il ne s’en rapporte pas, comme j’ai eu la simplicité de le faire, à des amis puissants et tièdes ; c’est un héros, mon exemple ne l’intimide pas ; il est décidé à toutes les conséquences de son courage…

» Quant à moi, ce n’est pas le courage qui me manque ; j’en ai même davantage aujourd’hui que dans le temps de ma plus florissante fortune !… »

Clodius triompha encore une fois du sénat, de Pompée, des bons citoyens, et fut nommé édile par la corruption et par la violence de la lie du peuple. Pompée, César et Crassus, qui formaient un triumvirat militaire au-dessus de ces