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CICÉRON.

de la fortune par les armes. Sa vertu l’encourageait à ce parti extrême autant que son ambition ; car son ambition était vaste, mais honnête. Il adorait la république ; et, en se faisant le champion des lois, du sénat, du peuple, de la liberté de l’Italie, ce n’était pas seulement sa propre gloire, c’étaient la patrie, les ancêtres et la postérité de Rome qu’il défendait en se défendant lui-même !

Cicéron, sans avoir rien obtenu, se rendit à Rome, où il fut reçu comme la dernière espérance des bons citoyens. Mais son triomphe lui sembla un deuil, et, en entrant par la porte Triomphale, il sentit, écrit-il, « qu’il tombait en pleine guerre civile. »

Elle éclatait en effet peu de jours après, et elle jeta Cicéron dans des perplexités qui le firent accuser de faiblesse, mais qui étaient en réalité les angoisses de la république mourante, plutôt que les angoisses d’un homme irrésolu.

César, las d’attendre de Pompée et du sénat des condescendances proportionnées à son ambition, s’était décidé enfin au sacrilége contre sa patrie. Descendu des Alpes dans la basse Italie, à la tête de quelques légions, il avait franchi le Rubicon, petit ruisseau qui formait la limite légale de son gouvernement de la Gaule, et dont le passage a main armée le déclarait ennemi public. « Le sort en est jeté ! » s’était écrié César en poussant, après une longue hésitation, son cheval dans les flots du Rubicon. Ce mot était la fin de la république. Du moment où le parricide ne paraissait plus à un citoyen puissant qu’un jeu du hasard, dont le monde était l’enjeu, et où les soldats n’étaient plus des Romains, mais des mercenaires, la liberté, qui ne subsiste que de vertus publiques, ne pouvait plus exister, et l’Italie n’était plus digne que de devenir la proie et le jouet des ambitieux.

Elle avait frémi tout entière cependant de l’attentat de César. Un immense cri d’horreur et d’indignation s’était