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CICÉRON.

La était la combustion, ici la fin de la république. Dans cette perplexité, choisir était pour lui impossible et cependant nécessaire. Il préférait ajourner et donner du temps a la fortune de Rome et des tempéraments aux choses, qui suspendissent au moins sa patrie sur la pente des dernières calamités. Tous les partis, à l’exception du parti des démagogues, ses éternels ennemis, se disputaient Cicéron, comme s’il eût été l’arbitre du destin. Il hésitait à se prononcer. César lui écrivait des lettres flatteuses, dans lesquelles il se disculpait de tout penchant à la tyrannie et le faisait juge entre Pompée et lui ; il lui donnait dans ces lettres ce même titre égal au sien d’imperator, comme pour l’élever au niveau de sa gloire militaire, en se subordonnant de bien loin à sa gloire civile. Pompée le suppliait de se réconcilier avec lui, et de lui accorder une entrevue dans une de ses maisons de campagne avant de rentrer à Rome. Cicéron s’y rendit. Ces deux hommes, les plus grands et les plus patriotes de Rome après Caton, passèrent une journée tout entière en conférences secrètes dans les jardins de Pompée à délibérer sur les intérêts de la république. Cicéron employa toute la chaleur de son patriotisme, toute la force de son éloquence, toutes les supplications de l’amitié, à convaincre Pompée de la nécessité de la concorde avec César, pour la gloire des deux et pour le salut de Rome. Pompée la déclara impossible. Irrité des exigences insatiables d’un rival à qui la moitié de l’empire ne suffisait plus ; convaincu par l’ambition de César, par ses caresses au parti populaire, par sa soif d’honneurs, par l’ambiguïté de ses négociations, qu’aucune paix ne serait définitive avec cet homme ; se sentant de plus entouré et soulevé en Italie par cette opinion presque unanime qui s’indignait des menaces de César et qui lui promettait en frappant la terre du pied d’en faire sortir des légions contre son rival, Pompée était résolu à accepter enfin le jugement