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CICÉRON.

séduction. Il embauchait l’Italie étape par étape, et, environné d’une armée de Gaulois qu’il avait façonnés a la guerre et enrôlés dans ses cohortes, il amenait le premier les barbares contre sa patrie. Coriolan, qui avait autrefois amené les Volsques contre Rome, n’avait rien fait de plus monstrueux, et encore avait-il au moins pour excuse la vengeance contre ceux qui l’avaient proscrit de sa patrie. César n’avait à se venger que des honneurs et des commandements qu’il avait reçus de Rome ; et cependant l’histoire a flétri Coriolan et a déifié César. Voilà les justices des hommes irréfléchis, qui prennent le succès pour juge de la moralité des événements.

Cependant tout était trouble cet confusion dans Rome. Pompée, renonçant a défendre l’Italie, se retirait avec le sénat, les bons citoyens, les consuls, les pontifes, les tribuns, les lois et les dieux de la capitale, et, rassemblant le peu de légions qui lui étaient personnellement attachées, il formait au bord de la mer une armée tardive. Il rassemblait à Brindes toutes les forces navales de la république. Il paraissait incertain encore s’il attendrait là l’armée de César et s’il accepterait la bataille, ou s’il embarquerait ses troupes, abandonnant à César le sol, et transportant les pouvoirs publics, les défenseurs de la liberté au delà de la mer, comme pour laisser le vide et l’horreur protester contre le sacrilége de César.

Cicéron gémissait de cette politique de résignation et de désespoir, plus digne d’un philosophe découragé que d’un grand capitaine comme Pompée. Bien qu’il fût indigné contre César, et qu’il n’hésitât pas à se ranger avec les lois, les dieux, la justice, la liberté, la république, dans le parti de Pompée, qui représentait maintenant la conscience même du peuple romain, il ne pouvait consentir a cet abandon, de l’Italie et de soi-même, qui lui semblait une désertion de la plus sainte des causes ; il tremblait de