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CICÉRON.

faire une faute en suivant Pompée hors de l’Italie, ou de faire une lâcheté en ne suivant pas la république où Pompée l’emportait avec lui. Dans cette perplexité, il demeurait indécis et immobile dans sa maison de Formies, hors de Rome et à égale distance de César qui s’avançait et de Pompée qui s’enfuyait, suppliant l’un de se retourner pour combattre, l’autre de s’arrêter devant son attentat, et exprimant dans ses lettres à ses amis de Rome le désespoir de son incertitude et l’agonie mortelle de ses irrésolutions.

« Vous me dites de me souvenir de moi-même, de mes maximes, de mes écrits, de mes discours, de mes actions passées, et de les prendre pour juges de ce que j’ai aujourd’hui à faire, écrit-il à Atticus. Je vous remercie de ne me donner d’autre conseil et d’autre exemple que moi-même ; mais considérez si, dans quelque république que ce soit, un chef de parti commit jamais des fautes si honteuses que celles de notre ami Pompée, qui, en abandonnant Rome, déserte la patrie elle-même, pour laquelle et dans laquelle son devoir et sa gloire étaient de mourir !… Vous en parlez à votre aise à l’abri des événements, tranquille dans votre maison ; vous ignorez nos calamités, nos misères, nos hontes, à nous chassés de nos maisons, dépouillés de nos biens, errant au hasard, avec nos femmes et nos enfants, entre deux armées prêtes à s’entre-choquer sur nos ruines !… Et ce n’est pas par la victoire que nous avons été contraints d’abandonner Rome ; non, c’est la démence de notre chef Pompée, d’un homme sur qui reposent toutes nos destinées, et que des maladies mortelles menacent presque chaque année de nous enlever ! C’est pour lui que nous quittons notre patrie, non pas pour la reconquérir en y rentrant plus forts et plus invincibles, mais pour la livrer aux flammes et au pillage de nos ennemis !… Voilà pourquoi nous sommes ici avec cette multitude de citoyens sortis avec nous de Rome ! Rome est déserte ; il n’y a personne ni dans la ville, ni dans les faubourgs, ni dans les maisons de campagne, ni dans les jardins des environs de la ville ! et Pompée ne nous trouve pas même assez exilés sur ce rivage de la mer, il nous appelle auprès de lui dans la Pouille !… Que conclure de tout cela ? J’aime Pompée, je suis prêt à me sacrifier pour lui ;