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BOSSUET.

retentissement d’une merveille. On l’arracha malgré lui à son obscurité ; on se le disputa dans les cérémonies ecclésiastiques ou littéraires ; on le rechercha dans les palais des princes et des princesses qui s’occupaient avec passion des choses d’esprit. C’était une époque de renaissance des lettres assez semblable alors à Paris à celle de Léon X à Rome ou des Médicis à Florence. Le profane et le sacré, la Bible et la Fable, les prophètes et les poëtes, les prédicateurs et les orateurs s’y confondaient dans le goût ou dans l’enthousiasme de la littérature. Un parent du jeune étudiant, François Bossuet, secrétaire du conseil des finances à la cour, présenta son neveu chez le marquis du Plessis-Guénégaud, ami du ministre Fouquet, et protecteur des lettres auprès de ce Mécène. Le marquis de Feuquières, gouverneur de Versailles, qui avait connu le père de Bossuet pendant qu’il commandait à Metz, accueillit le fils avec cette faveur des vieilles amitiés reportées sur la jeunesse. Il en parla à madame de Rambouillet et à sa société raffinée, qui voulut le voir et l’entendre. On lui fit improviser un sermon dans le salon de M. de Feuquières, devant ces juges délicats. Voiture, le juge souverain de tous, y était. On prit Bossuet au dépourvu ; on lui donna le texte, le sujet, l’heure. Il eut la faiblesse de consentir, ou par déférence ou par vanité, à ce jeu du génie sur les choses sacrées : il fut heureux et sublime. Le cri d’admiration de Voiture et de madame de Rambouillet éclata du salon de M. de Feuquières dans tout Paris. La vogue, quelquefois le présage, plus souvent la parodie de la gloire, s’empara du nom de Bossuet et le fit retentir jusqu’au roi. Le grand Condé, sur la tombe de qui Bossuet, vieilli, devait pleurer un jour de si mémorables larmes, se fit gloire d’assister un jour à un discours d’épreuve de ce jeune homme qui promettait d’illustrer son gouvernement de Bourgogne. Les princes de Condé présidaient héréditai-