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NELSON.

pêtes qui les engloutissent, les incendies qui les dévorent, les courants qui les échouent, les calmes qui les pétrifient, les écueils qui les brisent, à prévoir, à réparer, à supporter avec le stoïcisme de l’homme qui lutte corps à corps contre le destin ; un pont étroit et presque sans témoins pour tout champ de bataille ; une gloire ingrate qui se conquiert heure par heure, qui se perd en un moment, qui n’arrive quelquefois pas jusqu’à la patrie ; une mort loin de ceux qu’on aime, un cercueil enseveli dans les abîmes de l’Océan ou rejeté au bord comme un débris de naufrage ! Voila l’homme de mer ! Gent périls pour une gloire, dix héros dans un seul homme !… Tels furent les grands marins de la France, de l’Espagne et de l’Angleterre. Tel fut Nelson, le plus grand et le dernier de ces héros de l’Océan, de ces Titans de la mer.

Horatio Nelson naquit, le 29 septembre 1758, dans un hameau du comté de Norfolk, en Angleterre, dont son père était recteur. Sa mère mourut jeune, laissant onze enfants sans avenir, sans fortune, aux soins du pauvre ministre de village. La parenté éloignée de cette mère de famille avec la maison illustre de Walpole protégea ses enfants. Un de ses frères capitaine de vaisseau dans la marine royale vint visiter les orphelins de sa sœur, et promit sa sollicitude à ses neveux. Ils furent élevés par le père dans la médiocrité des champs et dans la douce affection qui lie entre eux les membres d’une famille presque indigente. Le recteur en était tout à la fois le maître et le père ; la douceur de ses leçons les fit pénétrer dans le cœur autant que dans la mémoire de ses enfants. Sa santé s’altéra par l’excès de ses travaux et de ses peines ; il fut forcé de quitter sa petite famille pour aller chercher aux eaux minérales de Bath le rétablissement d’une santé ruinée. Pendant son absence, l’aîné des fils gouvernait la maison. La tendresse réciproque et la docilité des fils rendirent cette tâche facile. L’âme in-