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MADAME DE SÉVIGNÉ.

palpitations étaient les plus grands événements de l’humanité ! Ils le sont en effet ; car les choses ne sont rien, c’est le cœur humain qui est tout dans l’homme : la gloire le sait bien, elle ; voilà pourquoi elle prend ses vrais et éternels favoris, non dans ceux qui lui font le plus de bruit, mais dans ceux qui lui font les plus pathétiques confidences de l’âme.

Voilà, selon nous, le mystère de la renommée toujours croissante de madame de Sévigné. Maintenant racontons sa vie.

Mais non : avant de raconter sa vie, disons, pour qu’on le comprenne bien, un mot d’un genre de littérature qui lui vaut l’intérêt du monde, qui n’existait pas avant elle, qu’elle a créé, et qui ne peut être caractérisé, selon nous, que d’un mot : la littérature domestique, le génie du foyer, le cœur de la famille.

Il y a deux centres entièrement différents auxquels aboutissent les pensées, les actes, les écrits de l’homme dans nos sociétés modernes, et même dans les sociétés de tous les âges : le public, ou la famille, ce public restreint caché derrière les murs du foyer, et resserré de plus près et par des liens plus étroits et plus intimes autour du cœur.

Il n’est pas vrai, comme on a affecté de le dire de nos jours pour autoriser la destruction de la famille par un individualisme impossible ou par un communisme brutal, que ce soit la société politique qui ait fait la famille ; c’est la nature. Heureusement pour le genre humain, dont la conservation est placée au-dessus de nos aberrations et de nos rêves, ce n’est pas sur une loi humaine que la famille est fondée, c’est sur une loi de Dieu, c’est-à-dire sur un instinct. Les instincts sont le droit divin de la constitution de l’humanité ; on ne les discute pas, on les subit ; l’esprit véritablement philosophique ne se révolte pas contre les instincts, il s’abîme, au contraire, dans la contempla-