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deuxième époque.

Séminaire de ***, 9 mars 1793.

Ainsi me voilà seul, orphelin dans ce monde !
Ma mère avec ma sœur est errante sur l’onde ;
Elles vont, au hasard des vents et de la mer,
D’un parent inconnu chercher le pain amer,
Et, sur un continent peuplé de solitudes,
Changer de ciel, d’amis, de cœur et d’habitudes !
« Fuis, pars, viens, mon enfant ! dit ma mère. Que Dieu
» Te porte tout l’amour qui brûle en cet adieu !
» Je n’aurai pas un jour de paix en ton absence.
» Quitte un sol dévorant qui proscrit l’innocence,
» Où la prière même est un crime mortel.
» Qu’est-il besoin de prêtre à qui n’a plus d’autel ?… »
Ah ! ma mère, pour moi ta tendresse t’égare :
L’esprit souffle-t-il moins quand l’étincelle est rare ?
N’en eussions-nous plus qu’une à rallumer ici,
Qu’une larme à sécher dans un œil obscurci,
Ah ! c’en serait assez pour garder à la terre,
Pour couver dans nos seins le feu du sanctuaire,
Pour rester dans le temple, et pour y revêtir
La robe du lévite ou celle du martyr.
Je resterai.

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