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jocelyn.

Échappés du rocher comme un chevreuil du gîte,
Pour jouir du rayon nous nous élançons vite ;
Nous crions de plaisir en voyant les cristaux
Formant des murs, des tours, de transparents châteaux,
Des arches de saphir, des grottes où l’aurore
Des verts reflets de l’onde en passant se colore,
Des troncs éblouissants où le givre entassé
Colle autour des rameaux un feuillage glacé,
Et la neige sans borne, et dont chaque parcelle,
En criant sous nos pieds, luit comme une étincelle.
Dans ces déserts mouvants nous creusons au hasard
Des sentiers dont la poudre éblouit le regard :
Comme dans l’herbe en fleurs où le chevreau se noie,
Dans ces lits de frissons nous nous roulons de joie ;
Nous rions en voyant tous deux nos cheveux blancs,
Poudrés par les frimas, de givre ruisselants ;
Nous nous lançons la neige où nos doigts s’engourdissent ;
De plaisir, en rentrant, nos pieds transis bondissent ;
Car Dieu, qui nous confine en ce rude séjour,
Donne, même en hiver, sa joie à chaque jour.